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Enfant, absolument immobile, j'ai rêvé sur les cartes de géographie accrochées aux murs de l'école,  j'ai rêvé des lieux de naissance de mes  voisines de classe : Madagascar, Bamako, Alger... 
Dès  que j'ai pu, j'ai mis les voiles : Lisbonne, Le Havre, Ponta Delgada, Prague, Rochefort. Toujours, sur le chemin, je me penche, j'ouvre les yeux, je ramasse.

Chaque lieu m' offre un nouveau support, de nouvelles pièces à mon puzzle.
Au Havre, des sacs à café. Aux Açores, sur les plages, les déchets  de la société de consommation nord américaine. A Prague, les vieux papiers des bouquinistes et les planches à laver des vieilles dames à la retraite en quête de quelques couronnes.

La Nouvelle Calédonie est sur ce chemin. A 20 ans, j'ai passé des dimanches au Musée des arts africains et océaniens. Le rêve était trop grand pour moi, je ne l'ai jamais fait. Le musée,  déjà, était un tel voyage.

Pourtant je suis  là. Ici. Après m'être retrouvée au milieu de l'Atlantique, me voilà au milieu du Pacifique. Le fil est si long, le chemin stupéfiant.  Je  continue à me pencher. A ramasser. Quelqu'un d'avisé m' a dit au moment de fermer ma valise : n'emmène rien, tu trouveras tout là bas.


Le rouge de la terre entre Canala et Houaillou, les nattes des tresseuses, les palmes brûlées des cocotiers, les bambous, les tapas, la langue âpre mystérieuse des morceaux de coraux morts sur les îlots et le bleu du lagon.
Mais aussi un écheveau de fils  mêlés,  emmêlés,  rompus , des fils comme des liens à tresser , des fils pour recoudre des déchirures, pour tisser une identité.

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